"Les espaces de notre intimité"
- Anne Le Maître
- il y a 7 jours
- 3 min de lecture
Sous le titre « Les espaces de notre intimité », Pascale Tournier Dans La Vie, n° 4165, du 26 juin 2025 propose une intéressante mise en perspective de mon livre avec ceux, récemment parus, de Marie Kock, Eva Illouz et Thierry Paquot. L'article fait plusieurs pages mais je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous ce qu'elle dit du Refuge.

"… De son côté, dans Faire refuge en un monde incertain (Cerf), Anne Le Maître (chroniqueuse pour La Vie) explore la figure de l'abri. Quand tout va mal, dans ce contexte de crise généralisée, ou puiser des ressources si ce n'est dans un lieu-refuge ? Mais peut-on construire un espace où l'on se sent en sécurité, hors d'atteinte, où l'on peut renouer avec soi-même face à la brutalité du monde ? En mêlant sensations personnelles tirés de ses moments vécus dans sa maison bourguignonne, références littéraires, propos poétiques et philosophiques, l'écrivaine, aquarelliste et géographe de formation, qui a grandi dans la culture chrétienne, chemine pas à pas, sans idée préconçue. Parce qu'il comporte des murs, une porte, un abri marque sa distance avec le dehors, constate Anne Le Maître. S'abriter, c'est opérer un mouvement de retranchement, d'éloignement et de repli. C'est un besoin « légitime » et « indispensable » que tout un chacun partage, souligne-t-elle.
Mais tous les abris n'ont pas la même fonction. Il y a ceux que l'on quitte, comme le ventre maternel, l'igloo, la cabane de l'enfance perchée dans les arbres. Ceux qui incarnent le refus de combattre, la fuite, le retrait du monde, et donc une forme d'égoïsme. Mais alors comment ne pas se sentir coupable vis-à-vis de ceux qui n'ont pas d'abri, comme les réfugiés ? Et dans le même temps, les refuges abritent « quelque chose de nos peurs », il faut le respecter. Et puis il y a le « fortin, le camp de base, lieu d'affermissement et de la réparation des forces ». Il est orienté vers le futur, l'après, l'autre.
Face au monde de plus en plus incertain, à l'angoisse qui nous étreint, Anne Le Maître nous guide vers cette dernière catégorie. Dans sa démonstration, elle s'appuie sur l'image de l'oasis qu'Hannah Arendt oppose au désert. « La réflexion philosophique, la pulsion créatrice, la prière, l'amitié ou la passion amoureuse » sont des fontaines qui dispensent la vie. La chambre à soi de Virginia Woolf, la citadelle intérieure de Marc Aurèle, l'arrière-boutique de Montaigne s'inscrivent dans cette veine. Anne Le Maître évoque aussi le motif des refuges montagnards, « étape nécessaire à la poursuite de tout grand projet », qui se vit toujours sur le mode de la rencontre, et le sanctuaire, « lieu sacré, séparé de l'ordinaire des jours, lieu privilégié de la reliance et de la mise en relation verticale ». Et elle conclut : « De ces espaces, nous pouvons nous faire visiteurs ou gardiens, amphitryons, voire bâtisseurs. »…"
Merci donc à Pascale Tournier pour cette lecture attentive, qui ne passe pas à côté de l'idée (essentielle) que dans ce texte, loin d'inviter au repli, je milite pour que nos refuges sachent se faire accueillants, qu'ils nous donnent des forces pour les combats nécessaires qui se préparent, et que, tout autant que d'en prendre soin, nous osions les quitter!
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